Le parcours de Gilles Masson n’est pas de ceux que l’on appréhende d’un simple coup d’œil. Sa carrière de comédien débute véritablement avec le conservatoire de Lille. Dès cette époque il commence à tourner, « un peu par hasard », dans des courts métrages. Mais, curieux, il se tourne très vite vers la scénographie. Cette volonté de brouiller les pistes, de décloisonner ses activités professionnelles en œuvrant autant sur le devant de la scène qu’en coulisses marquera de manière indélébile sa pratique. Il travaille pour le théâtre et parcourt l’Europe au tournant des années 90 : c’est la grande aventure du collectif lillois Organum, du « théâtre dans la rue » comme il l’explique. Cette activité théâtrale ne le quittera plus et il continue aujourd’hui de mener de front une carrière sur les planches et devant les caméras. Deux activités qui lui permettent de développer différents registres d’expression, « qui se nourrissent l’une l’autre ».
Cet homme d’aventure est membre du squat historique de l’Usine de Montreuil au milieu des années 90. Il travaille avec Alain Béhar, comme comédien ou comme scénographe. « L’ambivalence fait peur au gens », pour certains, employer un comédien comme scénographe est inenvisageable, les choses sont compartimentées et doivent respecter un ordre supposément préétabli. La polyvalence n’est pas nécessairement perçue comme une qualité. Mais ce « plaisir des identités multiples » le caractérise et lui permet de travailler aussi bien comme comédien que comme plasticien, réalisateur, photographe ou metteur en scène.
C’est à cette époque qu’il investit aussi pleinement le cinéma, d’abord en travaillant avec des amis comme Lionel Mougin puis progressivement, il pénètre d’autres cercles et collabore avec des réalisateurs reconnus au cinéma (Philippe Lioret, Jean-Pierre Jeunet, Benoit Jacquot...) ainsi qu’à la télévision.
Au moment de la préparation du film Mauvaise graine, Gilles Masson ne voulait plus faire de courts métrages : trop d’espoirs déçus, de films tournés en vain, jamais diffusés, trop de déceptions humaines aussi. Mais cet homme de mouvement n’a pas une vision figée des choses et semble apprécier de bousculer ses convictions. D’autant que participer à un court métrage c’est s’impliquer tant dans un projet artistique que dans un petit projet de vie, une aventure peut être plus singulière qu’un second rôle dans un long métrage. C’est un espace où l’on échange beaucoup avec le réalisateur, où l’implication est, de fait, toute autre. Et puis Nicolas Habas lui a « présenté un projet cohérent » et sa force de conviction, son « implication (l)’ont convaincu. ». Il garde de ce tournage trop court des souvenirs très agréables et prépare activement sa prochaine création, au théâtre cette fois.