Depuis son premier court-métrage, Nicolas Habas aime ancrer ses histoires dans une réalité sociale et dans un territoire. Cette fois, il avait envie qu’un personnage qui cherche sa place ait le temps de traverser différents milieux sociaux dans la durée limitée d’un court-métrage. À la fois lieu de revendication identitaire et de forte mixité sociale, le cadre des vendanges s’est rapidement imposé à Nicolas qui a grandi une partie de son enfance dans le Médoc.
Pour être sûr de rendre avec réalisme cette atmosphère si particulière, l’auteur fera les vendanges deux années de suite dans le Beaujolais. Après de longues discussions, Nicolas et son co-scénariste, Jean-Marc Laire, posent la structure du récit en écrivant quelques phrases pour chaque scène. Le squelette de la fiction en place, c’est au tour du synopsis de voir le jour. Pour utiliser pertinemment le langage technique et décrire les gestes appropriés, ils vont ensemble à la rencontre de viticulteurs professionnels et s’attaquent enfin à la continuité dialoguée.
Dans les phases intensives d’écriture, ils travaillent le plus souvent ensemble. Une des difficultés qu’ils ont rencontrées dans ce scénario était de ne pas révéler l’objectif du héros au spectateur avant la fin du film. Le risque étant qu’on manque d’empathie pour un personnage dont on ne comprend pas toujours ce qu’il veut. Ils pensent être parvenus à dépasser cette difficulté en travaillant sur le rythme du récit et les conflits incessants qui vont, ils l’espèrent, tenir le public en haleine. Et surtout, ils ont disséminé tout au long du scénario des informations qui laissent progressivement apparaître l’objectif de Sami, sachant que certains spectateurs y seront sensibles dès le première visionnage. Mais si tout se passe bien, à la fin du film, la plupart des spectateurs se diront : « Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? ». Là encore, un travail exigeant sur la distribution des informations est nécessaire, exercice rendu difficile par le temps déjà passé par les scénaristes à écrire en se mettant à la place du spectateur qui va découvrir le film… Alors qu’ils connaissent le scénario par cœur ! Il leur a fallu pour cela espacer les séances d’écriture et prendre le temps de penser à autre chose…
« Voilà, c’est comme ça qu’on met un an pour écrire un court-métrage ! » dit Jean Marc en riant.
Après avoir aiguisé son oeil de lecteur de scénarii au sein du collège de lecteurs de l'ICMRA (Institut du Court-Métrage Rhône-Alpes), Jean-Marc Laire milite pour un travail d’écriture en duo, y compris sur des formes courtes. « Ce qui reste encore l'exception aujourd'hui, la plupart des réalisateurs en herbe préférant travailler seuls, sans méthode, d’où une certaine faiblesse des scénarii de court métrage qui arrivent sur le bureau des producteurs, d’une manière générale. »
Pour Nicolas Habas, c’est un particularisme culturel français, hérité de la nouvelle vague, qui a mis la figure de l’auteur au centre du dispositif cinématographique, faisant disparaître la barrière entre le scénariste et le réalisateur dans l’esprit du public, puis des professionnels et des aspirants cinéastes. « Je fais moi aussi partie de ceux qui ont construit leur désir de cinéma en apprenant le nom des réalisateurs. Mais si je n’abandonne pas ma place d’auteur, j’ai appris à reconnaître avec le temps qu’il vaut mieux savoir s’entourer, pour bien faire les choses, que vouloir tout maîtriser. Sans parler du plaisir de l’écriture à deux ! »